Depuis le 16 novembre, le Luxembourg dispose d’un plan pour les cinq prochaines années. IDEA propose une série de blogs pour examiner certains des aspects clés de l’accord de coalition 2023-2028. Ce dernier article de la série offre quelques réflexions sur le niveau de la taxe carbone au Luxembourg.
Dans son programme de coalition, le gouvernement luxembourgeois s’engage à suivre la trajectoire de la taxe CO2 définie dans le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC). Pour rappel, la taxe carbone a été instaurée en 2021 et s’élève actuellement à 30 euros par tonne de CO2. Afin de réduire davantage les émissions de gaz à effet de serre (GES), le PNEC prévoit une augmentation annuelle de 5 euros au moins jusqu’en 2026, atteignant ainsi 45 euros par tonne de CO2 à cette date, ce qui se traduirait par environ 11 centimes de plus par litre de diesel. La mise à jour du PNEC accorde une attention particulière au renforcement des objectifs dans le secteur des transports. La cellule scientifique de la Chambre des Députés souligne que le secteur des transports, responsable de 60,9 % des émissions de GES (hors ETS) au Luxembourg, est essentiel pour réduire les émissions de CO2. En 2022, deux tiers des émissions de ce secteur provenaient de la vente de carburant, dont environ 70 % étaient liées à des véhicules immatriculés à l’étranger. Ce phénomène, appelé tourisme à la pompe, contribue donc largement à l’intensité apparente des émissions au Grand-Duché.
Une façon de diminuer le bilan CO2 du secteur des transports serait d’éliminer le tourisme à la pompe. En imaginant, dans un scénario hypothétique, que le gouvernement décide de supprimer cet avantage compétitif, il pourrait aligner le prix du carburant avec celui des pays voisins. Le Luxembourg perdrait alors son avantage compétitif sur les ventes de carburants et les non-résidents seraient moins incités à s’y approvisionner. Quelle serait alors la taxe carbone nécessaire pour harmoniser les prix du carburant ? Pour répondre à cette question, supposons que les taxes d’accise restent stables au Luxembourg et dans les pays voisins, et que le prix moyen du diesel sur les cinq dernières années correspond à son prix moyen à long terme. En France, les augmentations prévues de la taxe carbone ont été suspendues après les manifestations des gilets jaunes. Un changement de politique à court terme n’est donc pas attendu. La Belgique, pour sa part, n’a pas de taxe carbone et son introduction ne semble pas prévue dans son PNEC. Selon le STATEC, chaque augmentation de 5 euros de la taxe carbone au Luxembourg réduit l’écart de prix du diesel avec les pays voisins d’un peu plus d’un centime.
Actuellement, l’écart de prix de vente du diesel est le plus important entre la Belgique et le Luxembourg, soit 45 centimes d’euros, suivi par la France et l’Allemagne. Une taxe carbone de 211 euros au Luxembourg, équivalente à sept fois la taxe actuelle et représentant 51 centimes de plus par litre de diesel, pourrait réduire significativement cet écart avec la Belgique. Pour la France et l’Allemagne, la taxe carbone devrait être respectivement de 168 euros et 133 euros.
Pour réduire significativement les écarts de prix de vente du diesel entre le Luxembourg et ses pays frontaliers, la taxe carbone devrait se situer entre 168 euros et 211 euros par tonne de CO2 équivalent, toutes choses égales par ailleurs. Cette estimation est en ligne avec les recommandations de l’Observatoire de la politique climatique et du Klima-Biergerrot, qui prônent une taxe carbone de 200 euros par tonne de CO2 équivalent.
Bien que l’instauration d’une telle taxe puisse réduire le bilan CO2 apparent du Luxembourg, elle pourrait également entraîner des effets indésirables dans les pays voisins, en particulier en Allemagne. À ces niveaux de taxe carbone, le différentiel de prix pourrait se retourner en faveur des distributeurs de diesel allemands, incitant les résidents luxembourgeois à se ravitailler en Allemagne. Ce comportement des consommateurs ne contribuerait pas nécessairement à une amélioration du bilan carbone global.
De plus, cela pourrait nuire au secteur de la distribution de carburant au Luxembourg et réduire les recettes fiscales, sachant que les accises sur les carburants ont rapporté 725,4 millions d’euros en 2022. Il est actuellement difficile de prévoir l’impact exact de l’introduction d’une taxe carbone à ce niveau. Il serait donc nécessaire d’évaluer la diminution potentielle des ventes de carburant ainsi que la capacité d’une taxe carbone plus élevée à compenser cette perte. Ces effets doivent être pris en compte lors de la détermination du montant de la taxe carbone.
Source : www.fondation-idea.lu